LETTRES DE GEORGES TACONET A CAMILLE FLEURY (1915 –1917)



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 Jeudi 11 janvier 1917 

Mon cher Camille,

Je viens de recevoir ta longue lettre de lundi.
Comment te remercier de tout ce que tu fais pour moi en ce moment.

Je n’ai entendu faire, soit par Yvonne, soit par Maman que des éloges de la sanguine que tu viens de faire d’Yvonne. Je te remercie d’avoir travaillé si bien et de si bonne grâce, aussi je te prie de croire que cela me coûte de penser qu’il va me falloir attendre jusqu’à ma prochaine permission avant de voir cette fameuse sanguine. Enfin cela vaut mieux peut-être. Il est certain qu’elle risquerait bien d’être abîmée ici.

Tu es vraiment bien gentil de vouloir m’offrir en plus l’encadrement. un cadre ovale semblable à celui dont tu m’as parlé me paraîtrait en effet charmant. D’ailleurs là dessus, je m’en rapporte absolument à ton bon goût. Tu choisiras mieux que n’importe qui. Cela me sera une bien grande joie, mon cher Camille, et je te remercie vraiment de tout mon cœur d’avoir bien voulu faire les traits d’Yvonne.

Je sais que tu as fait d’elle en plus des petits croquis.

L’on m’a déjà envoyé ses yeux – charmants - mais je regrette qu’on m’ait coupé si cruellement le dessin.

Enfin Yvonne me parle d’un autre croquis qu’elle doit m’envoyer et j’espérais le recevoir aussi mais elle a oublié de le joindre à sa lettre. Yvonne en effet a peut-être été un peu fatiguée de poser, mais elle a été émerveillée de ton talent et d’une façon générale me fait de toi un grand éloge d’ailleurs bien mérité. Elle trouve le ménage Fleury éminemment sympathique. Elle n’a pas exprimé le désir de me voir poser à mon tour, mais vraiment ce n’aurait pas le même intérêt.

Merci d’avoir (un mot illisible) si vite que l’affaire1 ne marche pas encore. Que de complications ! Je te remercie de vouloir bien me servir d’intermédiaire. C’est vraiment plus pratique avec les démarches sans nombre. Si le pauvre Hurstel2 met pour me donner un second bulletin le même temps que pour le premier ,nous ne sommes pas prêts d’avoir sa réponse. Faudra-t-il attendre jusqu’en 1918 ? En tous cas mes intérêts sont en bonne main, et je te remercie très sincèrement et je m’excuse de te donner tant de mal. Je te remercie d’avoir communiqué ce petit mot à ta sœur. Je suis très flatté que Madame Rumeau ait l’intention de regarder mes mélodies, et je remercie Mme Rumeau de me faire cette réclame.

Je sais que Yvonne et Marie Thérèse ont fait un peu de musique. Yvonne me dit qu’elle aime beaucoup être accompagnée par Marie Thérèse. Elle la trouve excellente accompagnatrice. Que deviennent les leçons de chant de Marie Thérèse ?

On me disait que vous étiez tous trois enrhumés et souffrants de la gorge. Est-ce fini maintenant ?

Peut-être sais tu que depuis le premier janvier je corresponds quotidiennement avec Yvonne. Ces sont mes plus belles étrennes. Encore trois mois à attendre avant ma permission prochaine. Cela me paraît long comme tu peux le penser. Enfin mon moral n’est pas trop mauvais. Je partage entièrement tes idées pour la fin de la guerre prochaine. D’après des renseignements multiples et très sûrs l’Allemagne paraît réellement être à bout, et bien qu’ayant pour elle toutes les apparences de la victoire, elle ne pourra plus supporter la lutte. Cette pauvre Yvonne est plus sceptique. Elle a entendu dire tant de fois la même chose, m’écrit-elle, et je ne sais comment la persuader.

Je te quitte pour écrire à Yvonne. Je t’écris pendant ma veille.

Nous sommes aux tranchées depuis 5 jours et sommes relevés dans 3 jours . Rien d’anormal, tout se passe bien. Si Maman est avec vous, comme je l’espère, veux-tu lui donner de mes nouvelles – excellentes.

Merci encore mon cher Camille de tout mon cœur je t’assure. je vous embrasse tous affectueusement.

Georges Taconet

P.S. Veux tu remercier Marie Thérèse de me donner le prix du porte plumes. J’en ferai part à mon camarade et vous rembourserai à mon prochain passage.

Marie Thérèse sait-elle qu’Yvonne, sa sœur Marie, sa mère3, tante Mario4, grand’mère travaillent les chœurs des Béatitudes pour ma prochaine permission. Les parties ont déjà été distribuées. Si Marie Thérèse voulait regarder une partie (n’importe laquelle – cette partie serait doublée), cela me ferait plaisir. Ce serait bien de pouvoir monter cela de façon convenable.




1Je pensais qu’il s’agissait de l’inscription à la SACEM , mais celle-ci date de juin 1916

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2Editeur de musique

3Où j’apprends que notre grand’mère Ducrocq aussi chantait.

4On lirait plutôt Marin ou Marise, mais pour moi, il s’agit sûrement de Tte Ma, que Papa appelait souvent Tte Mario.