LETTRES DE GEORGES TACONET A CAMILLE FLEURY (1915 –1917)



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 Lundi 20 mars 1916 

Mon cher Camille,

Quelle triste nouvelle m’a annoncé Papa dans sa lettre d’hier.

A moi qui le connaissais à peine la mort de Benveniste a déjà fait de la peine mais pour toi qui avais à son égard une amitié très vive le chagrin doit être très grand. A ce chagrin je prends une très grande part ; tu sais, d’ailleurs, que rien de ce qui te touche ne m’est indifférent.

Il y a plus entre nous deux qu’une amitié banale de beau-frère à beau-frère.

Il semble me rappeler que Benveniste avait été autrefois blessé. Avait-il été affaibli par cette blessure et offrait-il par là même un meilleur terrain à la fièvre typhoïde ?

J’ai reçu avant-hier la lettre de Marie Thérèse du 15 mars ; je n’ai pas reçu la lettre avec adresse incomplète dont elle me parle, mais je ne désespère pas de la recevoir un jour ou l’autre, puisqu’elle a marqué mon nom, mon emploi et mon secteur.

En attendant, veux tu bien remercier Marie Thérèse de sa lettre. Elle me dit qu’elle est encore obligée de se ménager pour être tranquille ensuite.

Je vous remercie encore de la part très grande que vous prenez à mon bonheur. Je regrette aussi que vous n’ayez pu faire encore plus ample connaissance avec Yvonne.

Vous savez que nous nous écrivons tous les jours, mais que nous n’avons le droit de faire partir nos lettres qu’une fois par semaine ?

Maman, Papa et Germaine font à Yvonne un accueil charmant et elle m’écrit qu’elle est heureuse quand elle se trouve à Sainte Adresse. Grand’mère m’écrit des lettres enthousiastes – mais elle est un peu fâchée contre Papa qui ne lui donne pas le texte de ma citation (De cela je suis au contraire enchanté).

Bien des gens sont persuadés que l’échec des Boches devant Verdun abrègera sensiblement la durée de la guerre. Attendons ; nous en avons hélas pris l’habitude.

Je vous embrasse tous trois bien affectueusement.

Georges Taconet