Poèmes mis en musique par Georges Taconet
Anges
Envoyés surhumains qui hantiez les vieux
peintres
Vous que sur le carmin, et l'or, et le saphir
Les bons
maîtres verriers faisaient dans les pleins cintres
Et les
ogives resplendir.
Messagers du Seigneur, que nous voyons en rêve,
Nous
révéler parfois ce que sera demain ;
Ô vous
qui brandissez l'acier sacré d'un glaive,
Ou tenez un lys
à la main ;
Anges, légers porteurs des éternelles
palmes,
Frissonnantes au vent de vos processions ;
Hérauts
mystérieux des Nativités calmes
Et des
Annonciations ;
Jeunes hommes charmants, qui heurtez vos cymbales
Ou
sonnez du buccin pour réveiller l'écho
Des hautes
profondeurs, visions virginales,
Clairs anges de l'Angelico ;
Anges de Melozzo à la tête
frisée,
Musiciens du ciel, aux yeux bleus et sereins,
Mais
dont la bouche est pourpre et la joue embrasée,
Et qui
frappez vos tambourins ;
Vous dont le front modeste en sa candeur
s'étonne,
Enfants de Benozzo, pleins d'un songe infini;
Et
vous, souriant tous autour de la Madone,
Adolescents de Luini ;
Séraphins dont la foudre embrase les visages
Dont
le regard profond semble nous dire : Viens !
Archanges emportés
parmi les blancs nuages,
Dans les grands ciels Corrégiens
;
Grands anges du Bernin, dont une étrange
emphase
Gonfle les vêtements et vous-mêmes vous
tord,
Et qui nous souriez, soulevés par l'extase,
De
vos ardents sourires d'or ;
.../... .
Anges (suite)
Vous me suivez partout, idéales
figures,
Messagers du Seigneur, vous qu'un jour nous verrons,
Si
nous devons entrer dans les profondeurs pures,
Où
retentissent vos clairons.
Là gravitent en chœur vos Légions
ailées ;
Là, planant au dessus de nos tristes
sommeils,
Vous régnez, souverains des hauteurs
constellées
Sur leurs innombrables soleils.
Là vous riez, nourris de la manne divine ;
Et;
toujours transportés de cet amour divin
Dont l'ineffable
ardeur emplit votre poitrine,
Vous pouvez vous aimer sans fin.
Là, tous ensemble étreints d'une amoureuse
crainte,
Vous adorez, voilés de vos plumages clairs,
L'insondable splendeur de la Trinité Sainte,
Unique
flamme en trois éclairs !
Anges de l'Eternel, tout élan, tout lumière,
Ah
! vous êtes plus beaux que l'Art ne vous rêva ;
Et
vers les Cieux, séjour de la Beauté première,
Avec
vous mon esprit s'en va,
Et je sens que mon âme a comme vous des ailes
Qui
frémissent en moi d'un frisson glorieux,
Quand parfois je
découvre en de jeunes prunelles
Un brûlant reflet de
vos yeux.
Louis Le Cardonnel
Extrait
de "De l'une à l'autre aurore", édité
par le Mercure de France en 1925, pp.43/46.
Les strophes
en petits caractères n'ont pas été mises en
musique
catalogue n°27