LETTRES DE GEORGES TACONET A CAMILLE FLEURY (1915 –1917)



1


 4 janvier 1917  (reçue le 8/1)


Mon cher Camille

Et d’abord toutes mes excuses pour t’écrire sur du papier aussi sale. Ce sont les dernières feuilles d’un cahier qui a failli être brûlé par une bougie. Papa m’envoie aujourd’hui la copie de la déclaration de Hurstel et Marie Thérèse dans une lettre que j’ai reçu également aujourd’hui et dont je la remercie me demande de te rappeler ce que tu veux bien te charger de faire. Je te demanderai donc de vouloir bien remettre en mains propres à Gauwin (directeur des Editions musicales Hachette) la dite déclaration, lui demander si cela le satisfait complètement et si ce désistement de Hurstel lui permettra de faire éditer immédiatement et gratuitement l’orchestre de Danse. Il m’avait dit qu’il le ferait éditer chez Gaudet, en avoir la confirmation. Enfin lui demander quand il pense que cette édition sera achevée et l’œuvre prête à être jouée. Merci d’avance mon cher Camille et pardon de te donner tant de mal. Tu seras bien gentil de me donner quelques détails sur ton entretien avec Gauwin. Je crois que tu aurais plus de chance de le trouver l’après midi.

Papa et Yvonne m’écrivent que tu as commencé la sanguine d’Yvonne. Je te remercie de tout mon cœur. Quelle joie ce sera pour moi de recevoir ce souvenir. Malheureusement j’ai bien peur que nous soyons déjà remonté aux tranchées quand il me parviendra. Si je suis trop sale, j’attendrai notre repos pour l’ouvrir. Merci encore. Papa Maman et Germaine ont été bien heureux de vous avoir près d’eux. Maman m’écrivait avant votre arrivée qu’elle faisait faire du feu partout pour que vous ne trouviez pas en arrivant de différences de température.

Puisque j’en ai l’occasion je veux remercier Marie Thérèse directement de ses tout derniers envois : paire de chaussettes dont je la félicite et la remercie et porte plumes si bien choisi arrivé juste avant le départ en permission de mon camarade. Il en a été très content et me prie de m’ informer du prix (sans vouloir faire de jeux de mots). Je l’ai déjà demandé à Marie Thérèse et j’attends une réponse. Le camarade est un épicier de St Waast près de Fécamp. Il est à la liaison1 depuis plus d’un mois déjà et a de très grandes qualités de cœur, ce qui n’est pas à dédaigner.

Papa m’écrit des lettres de plus en plus optimistes quant à la durée de la guerre. Il finira bien par avoir raison.

Yvonne a été très touchée de votre « délicieuse boîte de délicieux bonbons » j’emploie ses propres termes. Elle est émerveillée de la rapidité du coup de crayon de Camille. Sa lettre date de la première séance et elle me dit qu’elle trouve déjà l’œuvre très ressemblante. Elle me dit que Marie Thérèse a chanté pendant cette séance. Est-elle débarrassée de ces maux de gorge et peut elle bien travailler son chant ? J’espère que Betsy aura pu voir ses petites amies Marande et autres. Hélas l’hiver n’est pas très gai à Sainte Adresse surtout si vous avez eu là bas le même temps que nous ici.

Encore merci mon cher Camille pour vouloir bien te charger de voir Gauwin, et merci davantage encore pour le cher souvenir que tu vas m’envoyer.

Je vous embrasse tous trois bien affectueusement.

Georges Taconet

Lettre adressée rue des Vignes. Betsy était donc à Ste Adresse à ce moment-là.



1L’adresse de Georges Taconet aux armées était « Liaison du 3ème bataillon 129ème Rt d’Infanterie »