LETTRES DE GEORGES TACONET A CAMILLE FLEURY (1915 –1917)


 28 juin 1915 

Mon cher Camille,

Je suis très sensible à ton aimable lettre et t’en remercie beaucoup. Remercie également Marie Thérèse de la sienne. J’ai reçu la visite de Papa pendant deux jours et demi. Cela m’a paru bien bon.

Il me sera bon également de vous revoir tous. Pourras tu obtenir une permission quand je serai au Havre ? Je l’espère bien.

Mon entérite va mieux, je souffre surtout d’affaiblissement mais avec les bons soins dont me gratifient les petites sœurs (elles sont bien petites), le bon air que je respire à pleins poumons, je ne tarderai pas à être complètement sur pied.

Malgré cela il se pourrait que je reste assez longtemps ici car le major a pour principe de garder ses malades le plus longtemps possible.

Merci de ton offre de lait. J’en ai ici plus qu’il ne m’en faut : j’en bois toute la journée.

Combien aussi est présent à ma mémoire le souvenir de l’hôpital de la Maladrerie et les bons moments passés ensemble – il y a 10 mois de cela. Certes j’étais plus favorisé à Caen, puisque j’étais auprès de toi et que le reste de ma famille allait et venait constamment, mais encore une fois, je suis très bien ici.

Tu as raison d’appeler le coin de Neuville St Vaast un coin infernal, mais je n’ai guère de détails à te donner.

Nous avons vécu là une vie très simple, un peu trop simple, même, passant la journée soit de service dans les tranchées, soit dans notre poste de secours avancé, installé dans une cave de

Neuville et la nuit, relève des blessés. Les nuits étaient malheureusement trop courtes et, quelquefois, au petit jour, nous avions à peine fini notre besogne. Camarades dévoués, médecin ignoble de couardise.

Je pourrai lorsque je te verrai t’en dire un peu plus long, mais ce n’est guère intéressant.

Comme c’est gentil à vous de vouloir m’envoyer un peu de musique. Elle sera la bienvenue. Je me remets d’ailleurs à travailler un peu ici et je veux mettre au net les œuvres que je compte présenter à la Société des Auteurs et Compositeurs … à la fin de la guerre. Qui sait, elle aura peut-être lieu un jour. Mais je ne vois pas comment nous pourrons sortir de là.

Mon cher Camille, je vous embrasse bien, Marie-Thérèse, toi et Betsy.

Veux tu dire à Madame Rumeau que je la remercie de son aimable pensée et présente lui je te prie mes respectueux hommages.

Georges Taconet.

Lettre écrite de l’hôpital de Plancoët (Cotes du Nord),

et adressée chez Mme Rumeau 23 rue Franklin Paris.



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