Poèmes mis en musique par Georges Taconet

Invocation

Doux et sublime Esprit des tranquilles matins,
Qui viens lorsque la Nuit s'en va dans ses longs voiles,
Et, peu à peu, du vent de ton haleine, éteins
Les dernières étoiles ;

Ô toi qui m'apparaîs souriant et vêtu
Des diaphanes plis d'une gaze éthérée,
Toujours j'ai ressenti dans mon cœur ta vertu
Puissante et mesurée.

Divin Esprit qui fais s'élargir l'horizon,
Et s'éveiller les nids et palpiter la feuille,
Daigne encor cette fois visiter ma maison
Où la Muse t'accueille.

Chasse les pensers noirs qui vinrent la hanter :
Ouvre à son clair flambeau ton âme et ta paupière,
Esprit mélodieux, et dis-lui de chanter
La vivante lumière.

Oui, merveilleux enfant en un moment grandi
Qui marches sur les flots, qui vas de lame en lame
Jusqu'à l'heure éclatante et cruelle où midi
Courbe tout sous sa flamme.

Inspire-moi des chants purs comme ces coteaux
Dont la verdure entend rire bas les fontaines,
Tandis qu'un bruit profond et sourd des grandes eaux
Vient des vagues prochaines.

Mon astre, il montera par tes feux rajeuni,
Lui qui penchait déjà si tristement vers l'ombre.
Alors je surgirai, plein d'espoir infini,
De pensée et de nombre.

En moi je sentirai mille rythmes jaillir
Et mon âme, par toi divinement joyeuse,
Laissera ton haleine, ô Matin, les remplir
D'ardeur harmonieuse.

Louis Le Cardonnel



Extrait de "De l'une à l'autre aurore", édité par le Mercure de France en 1925, pp.9/11.


catalogue n°26