Poèmes mis en musique par Georges Taconet

(Invocation)

Le soir qui remplaça l'énervant crépuscule
Lui-même va mourir, et peu à peu, sans bruit,
Remplissant l'air fiévreux d'une haleine qui brûle,
Se glissera vers nous l'insidieuse Nuit.

Afin que nous soyons vainqueur de ses prestiges,
Assiste-nous, ô Reine au manteau constellé,
Reine toujours clémente et féconde en prodiges,
Qui foule le dragon d'un pas immaculé.

Que par tes soins, avec le Sommeil taciturne,
Les songes et l'oubli descendent bienfaisants
Et que le rampement de la Chose nocturne
N'entoure pas nos cœurs de ses anneaux pesants.

Fais qu'il retombe au fond de son Erèbe sombre,
Le vieux Serpent jaloux de l'homme racheté,
Le subtil Ennemi qui travaille dans l'ombre,
Le Tentateur puissant des lourdes nuits d'été.

Ainsi, jusqu'au matin, sans périls et sans craintes,
Aux douleurs d'ici-bas nous fermerons les yeux :
Puis, le cœur retrempé pour les batailles saintes,
Dressés, dès le réveil, dans un élan joyeux,

Nous te dirons merci, grande Vierge qui passes
En beauté la splendeur des sommets et des lys,
Tandis que s'épandra dans les profonds espaces
L'éclatante lumière, image de ton Fils.

Louis Le Cardonnel




Extrait de "Poèmes", édité par le Mercure de France 1928, pp.153/154.












catalogue n°28